Affaire « eau empoisonnée » : « il n’y a jamais eu empoisonnement », selon l’ex directrice d’Ignace Deen
Guinée – Alors qu’en 2010, l’histoire avait défrayé la chronique, elle refait encore surface aujourd’hui, avec de nouveaux éléments.
C’est du moins ce qui ressort de la version de Pr Fatoumata Binta Diallo, ancienne directrice de l’hôpital national Ignace Deen.
« Il y a des choses extraordinaires. Un des patients a dit un jour qu’il avait vomi un crapaud. Des charlatans étaient venus dans l’hôpital pour s’occuper de ces patients. Je ne gérais plus rien. Si j’avais confirmé la thèse de l’empoisonnement, j’aurais été ministre. Je ne vais pas citer de collègues. On voulait que j’affirme qu’il y a eu des morts. Il m’est difficile de dire aujourd’hui à quoi jouait Jean-Marie Doré. Il savait très bien ce qui s’était passé. J’ai refusé de dire qu’il y a eu des morts ou ceci et cela. Je ne suis pas allée dans ce sens parce que j’ai pensé d’abord à la nation. Il n’y a pas eu d’empoisonnement », a révélé Pr Fatoumata Binta Diallo, Directrice de l’hôpital national Ignace Deen au moment des faits.
C’est le mardi 14 décembre dernier, dans les Grandes Gueules d’Espace Fm que l’affaire de l’eau empoisonnée, largement relayé en 2010 entre les deux tours des élections présidentielles a refait surface.
Pour l’ancienne directrice de l’hôpital, il n’y a jamais eu empoisonnement, contrairement à ce que prétendaient le candidat Alpha Condé et ses partisans.
Tout a commencé le vendredi 22 octobre, après un meeting du professeur Alpha Condé. Un appel du service des urgences lui fait savoir qu’une dizaine de patients sont dans un état de malaise. « J’ai essayé d’appeler mon adjoint à l’époque, je n’ai pas pu. A peine je raccrochais, j’ai eu un autre coup de fil qui me dit madame la directrice, il y a combien de dépôt de corps. Immédiatement, je me suis levée, malgré mon état de santé, et j’ai dit à cette personne qui m’a appelé de me donner dix minutes, je vous reviens. J’ai foncé à l’hôpital; mais, je suis allée directement à la morgue, il n’ y avait pas de dépôt de corps. Donc, je suis rentrée à l’intérieur de l’hôpital, j’ai été au service d’urgence. Arrivée également au niveau de ce service, il y avait près d’une vingtaine de patients qui étaient couchés à même le sol. Alors, c’est au moment où j’étais aux urgences que des journalistes sont venus. J’étais assise, ils sont venus par derrière. Ils m’ont demandé il y a combien de dépôt de corps. J’ai dit qu’il n’ y a pas de dépôt de corps. J’ai répondu que pour le moment, on ne pouvait aboutir à conclure que cette eau était empoisonnée. On ne pouvait ni affirmer ni infirmer. Il faut des analyses toxicologiques avant d’arriver à une conclusion aussi sérieuse », a-t-elle relaté.
Après ces insinuations, en tant que responsable, elle convoque une réunion afin d’impliquer tout le monde pour arriver à gérer la rumeur. « Quand les enfants se sont réveillés à 07 heures 30 minutes, les urgences m’appellent pour me dire qu’ils sont agités. Donc, j’ai appelé tout le personnel de l’hôpital, j’ai dit toute de suite à mon bureau, ils sont venus pour que nous trouvions une stratégie thérapeutique et une conduite à tenir. Parce que tout compte fait, il fallait impliquer tout le monde. A l’issue de la rencontre, on a dégagé un consensus de prise en charge », raconte l’ex Directrice.
Par la suite, elle confie que son refus de confirmer la thèse de l’empoisonnement lui a valu des coups et son limogeage plus tard. « Le professeur Alpha Condé a dit qu’il vient voir les patients empoisonnés et hospitalisés. Nous avons fait le tour de l’hôpital. C’était un samedi. J’ai demandé à chaque chef de service ou pavillon de se mettre à la disposition du professeur Alpha Condé pour expliquer la situation clinique des patients. Deux femmes sont venues vers moi en disant : voilà la directrice qui a dit que nos enfants n’ont rien et qu’ils ont faim. Aussitôt, des injures et des coups de poings ont fusé de toutes parts. On m’a cassé deux côtes. On m’a traitée de partisane parce que je suis peule. C’est ce qui m’a le plus fait mal dans cette histoire. Aucun de mes propos n’est partisan ou susceptible de menacer la paix civile. Le 27 octobre, le Premier ministre Jean-Marie Doré a pris une décision pour me limoger pour faute administrative lourde », a-t-elle fait savoir.
A.I.C