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Propriété intellectuelle et droits d’auteur: les savoirs traditionnels ont eu droit de cité à l’OMPI

Par Dr Thierno Souleymane BARRY : A l’heure du faré yaré et autres contrefaçons des savoirs traditionnels, il est indéniable de souligner l’important d’un fait. En effet, le 21 juillet 2022 marque un tournant dans la reconnaissance des droits d’auteur appliqués aux savoirs traditionnels avec l’accord de principe sur la convocation des conférences diplomatiques sur le Pacte concernant la propriété intellectuelle relative aux ressources génétiques et aux savoirs traditionnels associés aux ressources génétiques par l’Assemblée générale de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI). Apres moult péripéties commencés depuis 2010, une possible adoption du traité est projetée pour 2024. Pour ainsi dire, le périple qui reste à parcourir demeure encore long mais la moisson n’est pas faible compte tenu des enjeux représentés par les savoirs traditionnels en termes économiques et de développement durable des communautés notamment dans les pays du Sud. Dans la présente tribune, nous aborderons l’appréhension des savoirs traditionnels, l’économie de l’Accord projeté et des enjeux du dit Accord pour la Guinée en cette période d’atteintes et d’expropriation-appropriation des savoirs traditionnels par les multinationales.

De l’appréhension des savoirs traditionnels et la nécessité de leur protection

Pour l’OMPI, les savoirs traditionnels « représentent des valeurs culturelles, sont généralement détenus collectivement [et leur] maîtrise n’est pas nécessairement aux mains d’individus qui se servent de savoirs fragmentés, mais aux mains de la communauté ou de la collectivité toute entière ». Il s’agit ainsi des savoirs locaux transmis de génération en génération et appartenant à toute une communauté déterminée, présentant une certaine utilité et dont la jouissance doit revenir de droit à cette dernière. La propriété de ces savoirs traditionnels doit être strictement protégée par les pouvoirs publics tant au plan interne qu’au plan international aux moyens d’accords contraignants. L’enjeu nous rappelle l’histoire d’appropriation par le Centre sud-africain de recherche scientifique et industrielle en vue de sa commercialisation pour lutter contre l’obésité du Hoodia gordonia, plante utilisée comme coupe-faim par le peuple San à titre de savoir traditionnel et ce, sans contrepartie pour cette communauté ; dont l’issue ultime a été un accord de partage des avantages, après d’épiques batailles judiciaires.

L’économie d’un Pacte concernant la propriété intellectuelle relative aux ressources génétiques et aux savoirs traditionnels associés aux ressources génétiques

Il faut d’emblée noter que le principe de la propriété des peuples sur leurs savoirs traditionnels est reconnue au plan international. En effet, la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, en son article 31, reconnait le droit des peuples autochtones de préserver, de protéger et de jouir de leurs savoirs traditionnels, en ce compris, la propriété intellectuelle y afférent. L’Accord à naître reviendra à protéger les droits d’auteur et la propriété intellectuelle des savoirs traditionnels, faciliter leur accès, leur utilisation et le partage de leurs avantages au bénéfice de tous. Cette protection reposera sans aucun doute sur le principe d’“exigence de divulgation dans les demandes de brevet” de tout accord avec les communautés sur leurs savoirs traditionnels. Le respect d’un tel principe permet de protéger les communautés contre le pillage de leurs savoirs traditionnels sans aucune contrepartie.

Des enjeux pour la Guinée en cette période d’atteintes et d’expropriation-appropriation des savoirs traditionnels

La Guinée, comme tous les pays en développement, se doit d’apporter un soutien de taille pour la conclusion du Pacte concernant la propriété intellectuelle relative aux ressources génétiques et aux savoirs traditionnels associés aux ressources génétiques. Nos savoirs traditionnels et autres ressources génétiques ne sont pas à l’abri de pillage et d’appropriation par les sociétés multinationales et des groupes pharmaceutiques du Nord. La contrefaçon de nos tissus traditionnels leppikendeli, forêt sacrée et autres, un savoir local transmis de génération à génération, revendu dans nos marchés sous formes de faré yaré de qualité douteuse et bon marché, est encore une affaire récente dans nos mémoires. Il peut en être de même avec notre pharmacopée traditionnelle, nos plantes médicinales et autres. Outre l’enjeu économique, l’enjeu culturel n’est pas non plus à négliger.

En somme, face à l’appétit des multinationales, la conclusion de cet accord protégeant la propriété intellectuelle et les droits d’auteur des savoirs traditions au bénéfice des communautés locales est plus que salutaire pour le développement endogène de ces dernières et les pays du Sud ont tout intérêt à agir pour son aboutissement comme traité contraignant à l’égard de tous.

Conakry, le 16 aout 2022

-Juris Guineensis No 35.  

Me Thierno Souleymane BARRY, Ph.D 

Docteur en droit, Université Laval/Université de Sherbrooke (Canada)  

Professeur de droit, Consultant et Avocat à la Cour

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